La vie à Hasparren pendant la révolution

Madame GROSJEAN
Je me propose d'esquisser devant vous ce que fut la vie à Hasparren à l'époque de la Révolution. Mais pour que vous mesuriez tout de suite la limite de mon projet, il faut tout d'abord que je vous dise un mot concernant nos sources d'information et les recherches que nous avons entreprises.

HASPARREN possède des archives municipales exceptionnelles. Il s'agit:
- des registres des délibérations municipales transcrites de 1704 à nos jours
- des registres des baptêmes,mariages et décès depuis 1630 ;
- de divers documents concernant l'administration communale, les relations avec l'administration centrale, la gestion des biens communaux, l'entretien de l'église, l'instruction des enfants, les affaires militaires, l'organisation du marché, l'entretien des routes, les relations avec les autres communes, et j'en oublie.

Le plus ancien de ces documents remonte à 1566.

Ce "trésor", nous sommes une petite équipe enthousiaste, qui, depuis presque deux ans, le découvre avec respect et l'étudie avec opiniâtreté.
Opiniâtreté ! Certes, il en faut. Et certains d'entre nous se sont montrés encore plus opiniâtres que les autres pour déchiffrer souvent à la loupe, transcrire mot à mot, répertorier sur des fiches des manuscrits et documents qu'il a fallu pour certains, préalablement, sécher, repasser et consolider car ils tombaient en poussière. Nous arrivons bientôt au terme de ce travail préliminaire indispensable, nous commençons à peine à pouvoir l'exploiter.
Tout ceci, pour vous expliquer que cette brève esquisse de la vie à Hasparren au temps de la Révolution n'est pas le résultat d'une étude fouillée confrontant les sources locales, départementales et nationales aux travaux des spécialistes, c'est seulement l'ébauche de cette étude. C'est une image superficielle, telle que nous la présentent les registres municipaux de l'époque révolutionnaire et quelques documents spécifiques.
A l'aube de la Révolution, en 1789, HASPAPREN, le bourg, était constitué essentiellement par ce qui est actuellement la "rue de la Mairie" (rue du Docteur Lissar) jusqu'au presbytére, la "rue montante" (rue de l'Ursuya) jusqu'au Collège et la "place" qui n'allait pas plus loin que l'Eglise.
Le cimetière était autour de l'Eglise. "

Et on jouait à la pomme

Hasparren, chef lieu de canton, canton comprenant Urt et Briscous, fait partie du district d'Ustaritz.

Désormais sont électeurs les citoyens dits "actifs" c'est à dire les propriétaires ou locataires payant un impôt équivalent de 3 jours de travail,, il y en a 645 à Hasparren. Ils élisent parmi les citoyens actifs payant l'équivalent de 10 jours de travail en impôt le "Conseil Général de la Commune", le "Maire" et un "Procureur Syndic" qui est un juriste chargé de défendre les intérêts du Roi c'est à dire de l'Etat et de la Commune.

Pour Hasparren, il y a 6 Officiers Municipaux et 12 notables dont le Curé.

La nouvelle municipalité est opérationnelle dès les premiers mois de 1790. A la gestion des affaires courantes s' ajoutent des tâches plus spécifiquement liées aux évènements politiques du temps. Des instructions arrivent d' Ustaritz pour l'application de décrets votés par l'Assemblée, et par exemple, les municipalités doivent envoyer des délégués à Paris pour participer à la fête de la Fédération. Cette fête doit être une immense célébration de la réconciliation nationale et elle veut exalter la Fédération de toutes les diversités provinciales. Elle aura lieu au Champs de Mars, le 14 juillet 1790.
Et on jouait à la "pomme"(l' ancêtre de la pelote) contre le mur de l'ancienne maison Madré.

La Maison Communale était très certainement à l'emplacement de la maison actuelle.

L'Eglise (rappelez vous) avait perdu son clocher abattu sur l'ordre de l'intendant Deneville après la révolte des femmes en 1784.
La paroisse ou Communauté d' Hasparren, comme l' on disait alors, comprenait 4 quartiers : Aran, Celhay, Minhotz et Labiry.

Bien que"votre" très belle chapelle ait été construite en 1686, je crois, Eliçaberry n'était pas encore un quartier et faisait partie de l'Aran.
HASPARREN comptait à cette époque, comme maintenant, environ 5 000 habitants.

Hasparren faisait partie de la province du Labourd qui a envoyé aux Etats Généraux, comme députés du Tiers Etat, les frères GARAT d'Ustaritz. Ceux-ci ont été élus par des députés envoyés à Ustaritz par les différentes communautés de la province. Nous avons dans nos archives la facture de l'aubergiste d'Ustaritz chez qui ont logé et pris des repas, les députés d'Hasparren et si nous avons cette note c'est parce que la Municipalité d'Hasparren l'a payée comme il se doit; le reçu signé de l'aubergiste date du 23 avril 1789.

En général, les maires (maires abbés comme on les appelait) et les jurats payaient les dépenses de leur poche et à la fin de leur mandat rendaient des comptes et se faisaient rembourser. Nous avons ces comptes pour toutes les années, depuis 1644.
On ne trouve aucune mention ou commentaire dans le registre sur les événements de portée nationale qui se passaient à Paris depuis l'ouverture des Etats Généraux le 5 mai 1789, notamment on ne trouve rien sur cette nuit du 4 août au cours de laquelle il fût mis fin à tous les privilèges y compris les fors des provinces et en particulier ceux du Labourd. Par contre, le décret du 14 décembre 1789 sur l'administration municipale et celui du 22 décembre sur les départements ont eu. des répercussions immédiates sur la vie de la commune.
Comme on vous l'a dit, la France est maintenant divisée en départements, et malgré les protestations du Labourd, le Labourd ainsi que la Basse-Navarre et la Soule se trouvent rattachés au Béarn pour former le département des Basses-Pyrénées.

Un grave problème agite bientôt Hasparren

Parmi les délégués d'Hasparren, 6 au total, on trouve Jean Baptiste Detchegoyen, officier municipal, il a 34 ans, et nous le retrouverons plus tard.

Sur place, il y aura aussi. une fête. La Municipalité distribuera une barrique et demie de vin et annonce qu'elle offrira à dîner aux habitants. Mais, le jour de la fête, inquiète de la dépense, elle restreint son invitation aux pauvres et aux soldats en armes ; les autres convives devront payer leur quôte-part.

Un grave problème agite bientôt Hasparren de même que la France entière. En juillet et août 1790, 1'Asseirblée a voté la constitution civile du Clergé. Désormais, les ecclésiastiques sont des fonctionnaires publics et ils doivent prêter serment en vertu d'un décret du 27 novembre 1790.

Le décret est lu au prône, affiché sur la porte de l'Eglise, signifié au Curé et le 6 février 1791, c'est le jour du serment. Toute la municipalité est présente après la messe. "Le Curé et ses vicaires jurent d'être fidèles à la loi et au Roi et de maintenir la Constitution, en exceptant formellement ce qui dépend essentiellement de l 'autorité spirituelle du Pape".

Les Officiels reçoivent les serments tout en les considérant comme nuls, et en effet, ceci est confirmé par le District.

On leur demande donc, à ces prêtres, de prêter à nouveau le serment mais cette fois selon le texte de la loi. Là-dessus, grande émotion : le Conseil Général de la commune se réunit et une motion est votée qui demande, pour Hasparren, le maintien de ces prêtres quoiqu'ils n'aient prêté que le serment conditionnel et ils resteront apparemment en place jusque vers les derniers mois de 1792.

C'est en septembre 1791 qu' une existence juridique est reconnue à Eliçaberry.

Les quartiers deviennent des sections, il y en a désormais 8 : Aran, la Chapelle (c 'est Eliçaberry), Labiry, Urcuray, Minhots, la Côte, Berinots et Celhay.

En 1792, outre les affaires courantes, le Conseil s'occupe de la nécessité d'établir une prison où on pourrait y enfermer séparément les enfants indociles condamnés par le tribunal de famille et les délinquants, la présente maison
commune ne présentant pas de sûreté suffisante.

C'est également en 1792, le 12 septembre, que l'on trouve pour la première fois la mention "An I de la République". En effet le Roi a été déchu à la suite de la journée révolutionnaire du 10 août et il est maintenant enfermé au temple. Mais la République ne sera proclamée par la Convention que le 22 septembre. Alors est-ce à dire que Hasparren était plus républicain que Paris ? Mon opinion personnelle serait plutôt que le compte rendu de la séance du 12 septembre n'a été transcrit sur le registre que plus tardivement et qu'il s'agit là d'une initiative du greffier.

Les problèmes religieux prennent une acuité de plus en plus grande. En application d'un décret de juin 1792 la charge des registres des baptêmes (qui établissaient jusque là les naissances), des mariages et des décès est retirée au Curé et à ses vicaires. Les registres tenus donc par ces prêtres sont clos le 26 novembre 1792 et pris en charge par les Officiers Municipaux.

1793 est une année sombre.

On nomme également des commissaires pour procéder à l'inventaire des églises.

De nombreuses religieuses sont obligées de quitter leur couvent ; on les accueille à Hasparren où on leur accorde des certificats de résidence.

Un nouveau curé arrive à Hasparren, assermenté celui-là : Salvat Dibasson.

Mais il y a aussi des fêtes, même si elles sont commandées de Paris. En application d'une loi du 28 septembre, on se prépare à célébrer le 7 novembre la fête civique avec le concours de tous les citoyens de la paroisse et de tous ceux qui pourront se mettre sous les armes au son de tous les instruments qu'ils pourront avoir. On célèbre par la même occasion le succès des armées françaises, c'est Valmy, et l'hymne des Marseillais est chanté. On plante aussi l'arbre de la liberté.

En cette fin d'année 1792, on a aussi procédé à l'organisation de la garde nationale (sorte d'armée de réserve défensive qui remplace la milice) qui comprend tous les hommes valides de 16 à 60 ans.

Et l'année se termine par l'élection d'une nouvelle majorité qui prête serment.

1793 est une année sombre.

Le 21 janvier, exécution du Roi ; la guerre est sur toutes les frontières ; à Paris se crée le Comité de Salut Public qui gouverne la France en arbitraire ; des représentants du peuple sont envoyés en Province pour ranimer le "zèle" révolutionnaire ; des comités de surveillance sont organisés dans les villes.

A partir de Septembre jusqu'en Juillet 1794, ce sera la "Terreur".

Hasparren adopte un profil barde. La préoccupation des municipalités successives semble être d'obéir aux ordres, de ne pas se faire remarquer ni par excès de zèle ni par esprit de grandeur. Pour ce faire, les mots sont pesés, les solutions de bon sens acquittées, le tout avec une finesse admirable.

La municipalité a la charge de délivrer les certificats de civisme. Elle le fait en termes prudents et à l'unanimité de ses membres. Cette unanimité est une protection contre les critiques qui pourraient être faites.

Beaucoup de tâches se présentent. Il faut répondre à une enquête sur le nombre des émigrés : il n'y en a pas à Hasparren.

Une quinzaine de religieuses viennent se réfugier dans la commune, elles sont hébergées à trois ou quatre dans diverses maisons et on leur donne des certificats de résidence.

Cependant la guerre se rapproche. Elle sera déclenchée en mars entre la France et l'Espagne. Dès le 24 février, il est question de la formation de compagnies franches et le 25 avril,, c'est la levée en masse car les opérations militaires ont commencé à la frontière.

Tous les hommes constituant la Garde Nationale (il y en a 393) sont prêts à partir, mais, "Oh! indestructible bon sens et réa1isme de la municipalité !" comme il n'y a pas assez d'armes pour équiper tout le monde, ils ne partiront pas tous à la fois. On les enverra par tiers à Bayonne pour qu' ils y prennent le service pendant 15 jours.

Les déserteurs pourchassés

Avec la levée en masse qui est une mobilisation se pose inévitablement le problème de la désertion. C'est un problème qu'il ne faut pas envisager entièrement dans l'optique actuelle.

Ces volontaires et requis n'étaient pas préparés à l'épreuve qui les attendait. L'encadrement sur le plan de l'intendance notamment, équipement, nourriture, n'était pas ce qu'il est devenu. De plus, il s'agissait d'hommes qui ne connaissaient comme type d'encadrement que les structures familiales et communautaires.

Toujours est-il que ces déserteurs furent énergiquement pourchassés sur les ordres des représentants du peuple et que les municipalités furent priées de prêter main forte à la gendarmerie. La Municipalité d'Hasparren se contenta d'abord de faire des représentations écrites en ce sens mais elle fut bien obligée de participer physiquement aux recherches. Le corps municipal accompagnera la gendarmerie pour les visites domiciliaires ; il leur sera fourni main forte pour se saisir, s'il est possible, de tous les soldats qui peuvent être dans la commune. A cette fin, les visites commenceront à 7 heures du soir (nous sommes en octobre), les officiers
municipaux se diviseront dans les quatre quartiers pour que l'opération se fasse partout à la même heure. Ils arrêteront 10 déserteurs qui seront conduits à Bayonne.

En cette fin d'année 1793, les choses se sont beaucoup agravées à Hasparren.

Rien n'apparaît clairement dans les comptes rendus figurants aux registres des délibérations. En faisant des regroupements, en pesant soigneusement le dit et le non-dit, on arrive à reconstituer les faits et le climat qui régnaient.

Le 4 novembre, le maire en exercice, Diharce ; les officiers municipaux : Saint-Bois, Martin Larralde, Solet, Larralde, Detcheverry, Lissarrague, Sabaloue, ainsi que le procureur de la commune,Arnaud Loucougain ; le greffier, Bernard Courtelarre ; Pascal Loucougain juge de paix et Jean Pierre Fagalde prêtre, sont arrêtés et conduits à Bayonne pour y être incarcérés.

Le 6, une nouvelle municipalité est nommée, avec à sa tête, Jean Baptiste Detchegoyen, que nous avions rencontré lorsqu'il partait représenter Hasparren à la fête de la Fédération.
Parmi les officiers municipaux, nous trouvons aussi, Salvat Dibasson qui pourrait bien être le curé assermenté installé à Hasparren un an auparavant.

Cette nouvelle municipalité fait une longue et prudente déclaration sans toutefois désavouer les notables qui ont été arrêtés.

Un mois plus tard, en séance publique et courageusement, le Conseil Général de la commune présidé par le maire réclame à l'unanimité la libération des prisonniers, qui on le verra, ne seront libérés qu'un an plus tard.

Et cette nouvelle municipalité doit toujours s'occuper des affaires de la commune. La vie devient de plus en plus pénible, et contrainte par les rigueurs administratives et les difficultés inhérentes à toute période d'instabilité intérieure et de guerre extérieure.

C'est dans les derniers mois de 1793 qu'est adopté le calendrier républicain.

En janvier 1794, les jeunes gens de 1ère réquisition doivent être rassemblés et conduits à Ossès. On prend des mesures pour commencer l'exploitation du salpêtre pour faire de la poudre à canon. Cette exploitation ne commencera qu'en Mai.

Le 13 février, grosse alerte !

Les femmes sont invitées à préparer des vieux linges pour faire des pansements.

On décide de démolir le cimetière et sur son emplacement de replanter l'arbre de la liberté et de construire l' Autel de la Patrie.

On fait porter toute l'argenterie des églises d'Hasparren, d'Urcuray et de la Chapelle de la Trinité au Directoire du District pour faire servir aux besoins de la République (pour la Chapelle de la Trinité, il n'y a qu'un calice et une patène).

L'église d'Urcuray va servir à entreposer des barriques d'où l'église du bourg devient le Temple de la raison et sert aussi pour les réunions.

On met sous séquestre les biens des prêtres déportés et des personnes arrêtées.

Le 13 février, grosse alerte !

Au reçu d'une lettre du cormmandement militaire on craint l' avance des Espagnols. Le Conseil Général de la commune se réunit à 3 heures du matin et on prévoit comment avertir chaque foyer pour que les hommes puissent prendre les armes en temps et se retrouver sur la place d'Elhorri à Celhay.

On réclame des munitions au District et avec son habituel bon sens, la municipalité précise qu'il faut surtout des munitions pour fusils de chasse puisque ce sont ceux que possède la majorité des hommes.

Le 20 juin 1794 est organisée une assemblée pour discuter du partage des biens communaux. En effet, au terme d'un décret de la convention du 10 juin 1793, les biens communaux doivent être partagés si telle est la volonté de la majorité des habitants.

Il y a un document qui est un chef-d'oeuvre de rigueur administrative et d' impertinence.

Ce jour-là, 1er Floréal an II, soit le 20 avril 1794, au temple consacré au culte de la raison, l'église du bourg, les citoyens essuient les noms de 501 maîtres ou maîtresses de maison, les citoyens sont assemblés en assemblée de commune. Il y en a 4 pages caligraphiées et serrées de ces 501 noms. On leur lit le texte du décret (traduit en Basque), on nomme un président, Salvat Dibasson prêtre assermenté, un secrétaire, puis l'on délibère pour décider si les biens communaux seront partagés ou non. Et là, il y en a dix lignes écrites "à la diable" en plus. 496 votent pour le non partage, 5 pour le partage. Il est donc déterminé que le partage des dits biens communaux n'aura pas encore lieu, que les choses à cet égard resteront dans l'état.

Le 6 juin, nous trouvons le compte rendu d'une séance publique consacrée à la célébration de la fête de l'Etre Suprême et de l'immortalité de l'âme voulue par Robespierre. On nomme des commissaires pour préparer la fête mais au jour prévu, il pleut. Tout doit être parfaitement légal. Donc, on réunit le corps municipal en séance publique qui décide de remettre la fête.

Arrive enfin le 9 thermidor, 27 juillet 1794, et la chute de Robespierre. Et bientôt l'atmosphèrè se détend.

Un nouveau représentant du peuple est envoyé à Bayonne, Monestier de la Lozère, avec mission d'apaiser la population et de réparer les injustices.

Progressivement les personnes arrêtées reviennent (des religieuses et aussi les notables qui avaient été arrêtés en 1793). Il faut leur délivrer des certificats de civisme.

En 1795, le retour à une situation plus normale se confirme.

Le 15 mars, Dominique Garat, membre du Directoire du District d' Ustaritz, est chargé en tant que commissaire d'installer une nouvelle équipe municipale. Ce qu' il fait en rendant hommage à la municipalité sortante. Les mots qu' il emploie constituent une très juste appréciation de comportement très sage et mesuré des édiles haspandards pendant cette période difficile. Garat félicite la commune d'Hasparren "du bonheur et de la gloire rares qu'elle avait de trouver dans leurs officiers municipaux, fermes sous la tyrannie, des citoyens vertueux qui avaient su se préserver de ces funestes atteintes et défendre ceux de leurs concitoyens que la tyrannie avait opprimés".

La nouvelle équipe municipale est présidée par Pierre Deyheralde.

Elle veillera aux affaires de la commune avec une liberté d'esprit toute relative (nous sommes encore sous la convention thermidorienne) qui se traduit dans les comptes rendus et par où apparaît l'objet des préoccupations dont on discute.
On se trouve à l'étroit dans la maison communale. On voudrait bien s'installer dans le ci-devant presbytère.
On voudrait s'occuper en toute indépendance d'éventuels achats de grains et les payer soi-même.
On fait réparer la pendule de la commune (on voit que les préoccupations sont quand même plus faciles).

Mais à la fin de l'année, nouveau changement.

Le 30 décembre 1795 entre en vigueur le nouveau mode d'administration locale prévu par la Constitution dite de l'an III, votée par la Convention. Désormais, il n'y aura qu'une seule administration par canton, c'est à dire, pour Hasparren : Hasparren, Urt et Briscous.

Et nous n'avons plus de registres de délibérations depuis cette date ou du moins, ils n'ont pas été encore retrouvés.
Ils reprendront cinq ans plus tard.

Le p.v. d'Elizaberri

Un "cadeau" pour Eliçaberry de la part de l 'équipe qui a effectué les recherches : il s'agit d'un document qui concerne justement Eliçaberry. Ce ne sera pas le document lui-même, bien sûr, car il doit rester dans les archives, mais une ou plusieurs photocopies.

En voici le texte :

"Nous, Officiers Municipaux, sur la dénonciation à nous faite, qu' au mépris des avis que nous avons donnés, et malgré la grande nécessité des ouvriers, que par un reste de fanatisme ou par libertinage, il y avait un attroupement dans la section de la Chapelle ci-devant dite Trinité. Nous nous y sommes transportés et arrivant à la place, nous avons vu beaucoup de monde et des joueurs de pomme, qui, à notre aspect et des gendarmes qui nous accompagnaient ont tous pris la fuite et nous n'avons pu atteindre personne quoique nous leur ayons ordonné au nom de la loi de s 'arrêter, et nous nous sommes de suite transportés dans la maison d ' Adamé Etchégaray, cabaretier de la dite section, où nous avons trouvé beaucoup de monde à manger et à boire, dont nous avons tenu note et nous avons fait traduire dans nos prisons le dit Etchégaray comme le plus coupable et auteur de cet attroupement et avons tenu. le présent verbal, pour être communiqué au Directoire du District et être statué après son avis ce que de droit.
"Fait à Hasparren, le 27 prairial, l'An II de la République Française une et indivisible".

Ce document appelle quelques explications, et ces explications je vais vous raconter comment nous les avons découvertes.

Un matin que nous étions occupés à inventorier les documents non encore examinés, il s'agit dans un premier temps de les lire superficiellement pour déterminer leur contenu et décider comment les classer. Donc, ce matin là, l'un d'entre nous prenait connaissance du document que je viens de vous lire, le trouvait à première vue intéressant et le lisait à toute l'équipe.
De quand date-t-il ? du 27 prairial de l'An II.
On consulte les tables de conversion, cela correspond au 15 juin 1794. C'est en pleine terreur. On relit le texte. On remarque certains termes et le sens qu'ils peuvent avoir : les ouvriers qui ne travaillent pas malgré la nécessité, un reste de fanatisme, ... Quelqu'un suggère qu'il serait intéressant de savoir si c'était un dimanche... Le repos du dimanche ayant été aboli avec l'instauration du calendrier révolutionnaire fin 1793.
Monsieur Magnin, membre de l'équipe, sort alors du fond de sa serviette un merveilleux petit calendrier perpétuel qu'il tient de son grand-père. Il le consulte : "oui, le 15 juin 1794 était un dimanche"et ajoute-t-il, 'le dimanche de la Trinité".
Et nous voyons Monsieur Ipuy sauter presque jusqu'au plafond en s'exclamant que justement le dimanche de la Trinité c'est le jour de la fête d'Eliçaberry.
Et nous voilà tous ravis de notre découverte, le document en question prenant subitement toute sa valeur.

Vous voyez donc qu'en 1794, il y a presque deux siècles, on faisait déjà la fête à la section de la Chapelle, future Eliçaberry, le dimanche de la Trinité et que, ni la Révolution, ni la crainte des sanctions, n'avaient porté atteinte à cette tradition.

Révolution 1789 Mme Grosjean